Etre enseignante et mère, quand mes deux « moi » sont en colère !

A l’heure du ras-le-bol général et des revendications nationales, je suis moi aussi une enseignante en colère mais je suis aussi une mère au bord de la crise de nerfs qui rêve d’un vrai changement qui viendrait du dedans.

Enseignante depuis 3 ans seulement, je suis déjà exaspérée des commentaires des uns et des autres disant que je suis toujours en vacances, que je ne fais rien de la journée, que ce nouveau métier est un métier de feignasses, et qu’on est toutes des « connasses » !

Parce qu’en vrai sur l’année 2015, ma fille a connu des heures indues de garderie et des weekends sans mère en veux-tu en voilà car je préparais le concours. Quant au Zhom, son papa, il a vécu avec un fantôme hystérique qui alternait les crises de nerfs et les crises de larmes tant la pression de cette reconversion était forte et la préparation du concours difficile ! Je ne pouvais pas me permettre d’échouer !

Une fois le concours obtenu haut la main, nous nous sommes dit Youpi ! Bien mal nous en a pris. J’ai été en formation dans une Espe à 2h00 aller-retour de chez moi et dans une école, certes agréable mais à 1h30 de chez moi aller-retour en binôme avec une jeune femme qui aurait pu être ma fille et qui rencontrait des difficultés de préparation, d’anticipation et de gestion de classe plus grosses qu’elle. Je vous épargne donc les frais kilométriques, les 7.30 € de péage quotidien, les levers vers 05h30 et les couchers vers Minuit, tout ça pour 1384 € net les trois premiers mois et 1420 € nets les 9 suivants. Quant à ma relation conjugale et filiale, Euh…, quelle relation conjugale et filiale ? Quand je ne dormais pas, je préparais ma classe, quand je ne préparais pas ma classe, je préparais mes dossiers et/ou examens pour l’Espe, quand je ne préparais pas mes dossiers pour l’Espe, je remplissais mes livrets, rencontrais les parents, remplissais le Gevasco de K, échangeais avec la pédopsy de N sur la route (en bluetooth, sécurité oblige !). Et quand vers 18h00 le dimanche, les larmes montaient de fatigue et de stress, je regardais ma fille qui cherchait sa maman qui lui manquait tant !

Et j’ai été titularisée haut la main, nous nous sommes dit Youpi ! Bien mal nous en a pris.

Pas de poste au 1er mouvement, rien d’étonnant, mais quand au 2ème mouvement le poste à temps plein est tombé en REP+ à 1h30 aller-retour de chez moi, j’ai pleuré ! Quel niveau allais-je récupérer ? ET j’ai eu un CP dédoublé. Ces fameux CP qui ont besoin d’enseignants chevronnés et dans lesquels on ne mettra jamais au grand jamais un/une enseignante fraîchement titularisée dixit le gouvernement…..

Je vous épargne les 15 jours premiers jours des vacances d’été durant lesquels j’ai été malade à crever, le métier qui rentre il parait ! J’ai essayé de décompresser et l’année scolaire a commencé… Mon Zhom et ma Choupette qui m’avaient à peine retrouvée m’ont perdue à nouveau.

Les préparations, les trajets, la distance, les frais, la difficulté de la Rep + ont eu raison de moi, je n’étais plus que l’ombre de moi-même. Quand, en mars, l’une des collègues de CP, enceinte et diminué, a dû s’arrêter, pour raison de santé. Il nous a clairement été annoncé qu’elle ne serait pas remplacée et il nous a « gentiment été demandé » de supprimer purement et simplement sa classe et de répartir ses élèves dans nos classes de CP, « bah oui, quoi, les CP à 12, c’est comme une demi-classe, nous pouvions bien accueillir quelques élèves de plus ! »…. Alors que nous subissions tous cet état de fait (parents, enfants, enseignants) les difficultés se sont faites plus dures, certains élèves en perte de repères importants ont alors manifesté leur désarroi par des insultes et des violences « salope ! pétasse ! t’es pas ma maîtresse ! »… et j’en passe. Je ne suis pas en mesure d’écrire les coups reçus mais si je vous écris aujourd’hui, c’est que mes collègues et moi avons contre toute attente survécu 😉

Puis j’ai changé de département et obtenu un poste plus près de chez moi au deuxième mouvement, un poste de remplaçant-e. J’étais ravie, je voulais de nouvelles rencontres, découvrir des écoles, de nouvelles pédagogies ; j’ai été servie ! A aujourd’hui, sur une dizaine d’écoles dans lesquelles j’ai eu à travailler plus ou moins longtemps, il n’y en a qu’une seule dans laquelle j’ai rencontré compétence ET bienveillance.

Par conséquent, je m’interroge; ça n’est pas parce que nous faisons le même métier qu’il faut que nous soyons tous mis dans le même panier !

J’entends bien qu’une rémunération au mérite choque et irrite mais moi, je me dis pourquoi pas ? J’entends bien que nous avons besoin d’enseignants mais pourquoi titulariser les bons ET les mauvais ? Un niveau minimum ne devrait-il pas être requis ? Comment enseigner le lire, écrire, compter si celui/celle qui enseigne n’est déjà pas en capacité de le maîtriser ?

Et la bienveillance, on en parle de la bienveillance ? « Bienveillance mon cul ! », ai-je coutume de dire (mais toujours avec le sourire). Que ce soit l’éducation nationale vis-à-vis des ses enseignants ou certains enseignants vis-à-vis des parents et de leurs enfants.

Alors je me demande où se trouve la solution……

Dans la classe de la maîtresse de petite et moyenne section de Choupette qui leur tamponnait la main d’un tampon champion lorsqu’ils avaient bien travaillé ? (Au risque de traumatiser ceux qui n’étaient pas « tamponné » et qui assimilaient l’absence de tampons à un « Bouh, Maîtresse ne t’aime pas aujourd’hui, tant pis pour toi ! » ET depuis quand tamponne-t-on des enfants? Sont-ils du bétail à 3 ans?

Cette maîtresse-là mérite-t-elle la même chose que vous et moi en termes de salaire et d’évolution de carrière ?

Dans la classe de la maîtresse de grande Section de Choupette, qui refusait de travailler en ateliers par peur d’être débordée et qui ne donnait que des travaux sur fiche et sur table toute la journée se plaignant que les élèves manquaient d’attention et de concentration ?

Cette maîtresse-là mérite-t-elle la même chose que vous et moi en termes de salaire et d’évolution de carrière ?

Dans la classe de la maîtresse de CP, qui, sous prétexte d’un double niveau et d’une classe à 19 élèves ne leur a pas permis d’encoder de toute l’année, de découvrir la grammaire ou la dictée ou l’addition posée en fin d’année, ni même la production d’écrits ; ça donne trop de travail et ça fait trop de bruit !

Cette maîtresse-là mérite-t-elle la même chose que vous et moi en termes de salaire et d’évolution de carrière ?

Et cerise sur le gâteau cette année, la maîtresse de CE1, à peine titularisée qui ne maîtrise pas la langue française, grammaire et orthographe confondues, qui ne corrige pas les cahiers, qui fait au moins une erreur pour chaque mot adressé aux parents et qui s’intéresse davantage à son futur achat immobilier qu’à ses élèves et leurs cahiers.

Cette maîtresse-là mérite-t-elle la même chose que vous et moi en termes de salaire et d’évolution de carrière ?

Je vous épargnerai les enseignants, à qui « on » a demandé de prendre un poste de remplaçant et qu’on affecte à la journée ou à la demi-journée, histoire d’éviter que les élèves ne soient trop abîmés….

Parce que dans l’Education Nationale, on ne vire pas, on mute.

Parce que dans l’Education Nationale, on ne fait pas le ménage, on met la poussière sous le tapis.

Et au milieu de tous ceux-là, il y a les trop peu nombreux passionnés, passionnants, travailleurs, amusants, bienveillants et compétents, qui, malheureusement, n’ont pas à ce jour, croisé le chemin de Choupette et de ses copains.

Alors oui, je suis une « jeune » enseignante en colère, rêvant de considération et de revalorisation mais pas pour tous de la même façon !

Mais je suis aussi et surtout une mère en colère, rêvant d’enseignants compétents et bienveillants pour ses enfants… Je les attends depuis trop longtemps….

 

Peps’Mozer (« Aimer, c’est se surpasser »)