Et soudain tout bascule.

La journée avait pourtant bien commencé. Une dernière séance de jardin aquatique avant d’être officiellement en vacances, quelques courses alimentaires de fin de semaine, un dej tous les 3 et une petite sieste….

Et c’est tout à notre bonne humeur du moment que Choupette et moi partons cet après-midi en vadrouille pour un créneau filles ; au programme, rdv coiffeur et shopping chaussures…. Histoire de bien terminer la journée, nous terminons par un petit tour au supermarché pour trouver de quoi faire un petit apéro dinatoire surprise.

18h15 : les allées du magasin sont quasi vides ;

On prend la sacrosainte « scannette » pour gagner du temps.

Choupette me tanne pour prendre un mini caddie taille enfant, je lui dis oui, évidemment

Et nous voilà parties…. Elle fière comme Artaban de pousser le caddie comme les grands et de mettre les courses dedans.

  • Maman, on prend les p’tites tomates apéritives !?

  • Oui Chérie

  • On prend un morceau de fromage aussi

  • Encore oui 

  • On prend du vin aussi !?

  • Ah non, on en a déjà pris ce matin.

  • Maman si, maman ça, blablabla et cetera…

Alors que nous avons nos 2-3 emplettes dans le mini caddie, nous nous dirigeons vers les caisses, moi devant exceptionnellement ; Choupette fermant la marche.

Soudain, un mouvement de foule, des queues d’attente aux caisses qui se déplacent comme un seul homme sous notre nez vers l’ouverture d’une nouvelle caisse suite à l’appel d’une caissière et moi qui me dirige vers la caisse « scan only » Choupette sur mes talons, enfin je crois….

Devant le tapis et la caissière, je me retourne, Choupette n’est pas là.

Je regarde en arrière pensant la voir arriver le sourire aux lèvres et les yeux plein de malice mais je ne la vois pas.

Je regarde alentours sur ma gauche, sur ma droite, toujours pas.

Dès lors mon pas s’accélère, je fais le chemin à l’envers, l’allée centrale, les transversales, elle n’y est pas !

J’entends des « maman, maman » de voix d’enfants au milieu du brouhaha mais ces « mamans » ne sont pas pour moi. Je ne la trouve pas, ni du regard, ni de la voix.

Alors que quelques secondes auparavant je pensais : « la chipie, elle est allée voir les jouets », je me surprends à penser qu’un vieux dégueu l’a peut-être enlevée.

Et je me fais l’effet de n’être plus moi, tout va très vite et très lentement à la fois.

Je me dirige vers le point accueil et interrompt l’hôtesse ; d’une voix calme et posée que je ne me connais pas, je lui dis : « excusez moi, j’ai perdu ma fille, appelez la » Et alors que je lui parle avec calme et patience, mon corps et ma tête sont en ébullition.

  • Elle va comprendre si je l’appelle, quel âge a-t-elle ?

  • Elle a 4 ans, elle va comprendre !

Et la fameuse phrase retentit : votre attention s’il vous plaît, La petite « Choupette » est attendue au point accueil, la petite Choupette!

Et tu te dis que non, ça n’arrive pas qu’aux autres, la preuve en est, j’ai perdu ma fille, pas son père, ni ma mère, ni une copine ou une voisine, non, c’est moi, c’est bien moi qui ai perdu ma fille….Je ne suis plus que l’ombre de moi-même comme si je flottais au dessus de moi, sans être là…. Le temps défile ou s’arrête, c’est selon mais je suis incapable de quantifier cette attente…

…Et arrive au loin une petite bouille que je reconnaîtrais entre mille poussant un mini caddie et accompagnée d’une caissière.

Trop émotionnée pour dire ou faire quoique ce soit, je lui dis juste : « mais où tu étais mon Chat, tu as fait quoi, maman a eu si peur pour toi !? » Mes mains tremblent, mon cœur bat à tout rompre, mes larmes jaillissent, ma voix se romp, je l’enlace, l’embrasse et la respire.

Et la caissière de me dire avec le sourire :

  • elle m’a dit « J’ai perdu Maman, elle s’appelle Vanessa , ça s’écrit avec un V tu sais ! »

J’ai sans doute souri aussi, à dire vrai, je ne m’en souviens pas.

Ce dont je me souviens, c’est d’avoir serré la main de Choupette, fort, très fort et de ne plus l’avoir lâchée.

Ce dont je me souviens, c’est des larmes de Choupette me disant « Pardon Maman » alors que la faute m’incombe à moi et je lui ai dit : « non Chérie, ça n’est pas ta faute à toi, c’est maman qui n’a pas fait assez attention, ça ne se reproduira pas ».

Ce dont je me souviens, c’est Choupette dans la voiture me disant : « tu sais , maman, je t’ai cherché dans les gens mais j’ai pas trouvé ton odeur »

Ce dont je me souviens, c’est la culpabilité, et l’angoisse qui m’ont habitées et toujours pas quittées.

Ce dont je me souviens, c’est la promesse que nous nous sommes faites : ne plus jamais se perdre, ni aujourd’hui, ni demain. Et que marcher main dans la main, c’est trop bien.

Peps’Mozer ( « Aimer, c’est se surpasser »)