Le relais colis du village d’à côté…

Alors que je suis toute à l’organisation de la super fête d’anniv des 3 ans de Choupette, il me reste les petites boites à dragée à réceptionner. Qu’à cela ne tienne, par sécurité et pour éviter les problèmes éventuels de délais, je les fais livrer dans le relais colis du village d’à côté…

 

…. Nous sommes le 15 septembre, il fait beau et chaud et le mail attendu arrive enfin : « votre colis est disponible dans le relais colis choisi ». Toute à ma joie du moment, je monte en voiture. En route pour « l’Auberge Jolie » !

Après 6.5 petits kilomètres qui ont mis à mal mes fesses et les pneus de Françoise (Françoise, c’est ma voiture), nous sommes sur le point d’arriver… Zone à 50km/heure, puis à 30km/heure, et énième traversée d’un no man’sland avant de deviner au loin, l’enseigne fatiguée et terne qui a du être un jour « l’Auberge Jolie ». Je ne sais pourquoi, je m’étais imaginé la boutique d’une fleuriste, il n’en est rien, c’est tout au plus un resto-route-bar-tabac-presse local qui n’a de joli que le nom. Je me gare sur le trottoir d’en face, attrape mon sac et me dirige la tête haute mais non sans une certaine appréhension vers « L’Auberge Jolie ».

On dirait presque une maison abandonnée. La devanture est lugubre, de vieilles affiches publicitaires déchirées ornent la porte vitrée et je ne parviens pas à voir l’intérieur tellement la poussière est incrustée dans le verre. Je pousse la porte, elle grince, résiste un peu, se frotte au carrelage et me cède. A peine entrée, je suis assaillie par une nuée de mouches qui volent et virevoltent au gré de leurs envies dans l’espace bar ; je lève rapidement le bras pour les chasser mais à peine envolées de nouveau sur mon nez, ça me gêne, me pique et m’angoisse !

Devant moi, un vieux monsieur qui fait la causette à la dame derrière son comptoir de jeux à gratter.

–       Et t’as vu Michel aujourd’hui ?

–       Nan, pas vu

–       Et t’es allé l’voir à l’épicerie,

–       Nan, pas allé

–       Et T’as mes cigarettes

–       Nan, pas reçu

–       Et c’est pour quand ?

–       Ce midi

Et moi, je les écoute, sans bouger.

La dame derrière son comptoir me jette un coup d’œil rapide. Elle n’a pas 40 ans, a du être jolie dans le temps mais la vie semble l’avoir abîmée en passant. Ses longs cheveux gras et décolorés sont maintenus en arrière par un élastique ; ses grands yeux bleus délavés sont tristes et son débardeur fluo à l’allure teenager laisse entrevoir un soutien gorge jaune poussin qui a déjà vécu. Gênée, je baisse les yeux. Un temps se passe.

Je m’arme alors de mon plus beau sourire et avec force, conviction et énergie, lui assène un bonjour jovial. C’est important un bonjour ! Ca peut égayer une journée un bonjour. Ca peut aider à sortir de la torpeur, ça peut donner un peu de vie, un peu d’espoir, Ca peut augurer d’un bon  jour !?

Son regard glisse sur moi, elle esquisse un sourire, fatigué le sourire et s’excuse presque de me demander une pièce d’identité afin de me remettre mon colis.

Je m’exécute, mon sourire et ma bonne humeur bien plaqués sur le visage mais j’ai déjà le ventre qui se noue et voudrais prendre mes jambes à mon cou.

Alors qu’elle disparait dans l’arrière salle, arrive une vieille dame du coin et le vieux est toujours là, devant le comptoir des jeux à gratter

–       Tiens, te vlà, t’as vu Michel aujourd’hui

–       Bah non, j’l’ai pas vu

–       Et t’es allé l’voir à l’épicerie ?

–       Bah non, pas zencore !

–       Alors on s’voit tout à l’heure

–       Bah voui, tout à l’heure

Et je suis une nouvelle fois l’otage de cet échange intemporel.

Alors que la dame ne revient pas, je cherche à me donner une contenance et prend appui sur le bar, le portefeuille à la main. Il se colle aussitôt au comptoir et j’avoue esquisser un mouvement de recul et une moue de dégout. Le zinc est sale, très sale ; le sucre en poudre renversé de façon éparse se fraie un chemin entre les nombreuses tâches de café séché. Je suis écoeurée. Arrive alors à mes narines une odeur de graillon. Ca y est, j’ai la nausée ! C’est sale, ici, c’est sale, ça colle et ça pue !

Je voudrais fuir, courir, partir mais je reste là, debout, au milieu du café, et j’attends mon colis.

Le voilà qui arrive enfin ! Je remercie la dame, lui offre un dernier sourire et quitte le resto-route bar-tabac-presse plus vite que mon ombre, mon colis sous le bras.

Devant la porte, deux gars entre deux âges, qui s’parlent en fumant, ou qui fument en s’parlant, c’est selon. La conversation « nicotinée » se stoppe net à mon passage mais je n’ai pas le temps de m’en offusquer. Je n’ai qu’une idée en tête, fuir, partir, courir presque.

Je saute dans Françoise et je démarre ; vite, très vite et je roule, vite, trop vite, avec dans le ventre cette nausée, cette odeur de saleté, de café, de vie un peu fanée. Cette envie d’arriver chez moi et de ne plus y penser.

Je suis bien rentrée, 20 minutes se sont écoulées et j’ai encore toujours un peu la nausée. Je tente quelques pas dans le jardin pour m’aérer mais en vain.

Ce qu’il me faut, c’est oublier, et remettre les pieds dans ma réalité. Ce qu’il me faut, c’est une Choupette à aller chercher ! La chance est de mon côté. C’est l’heure d’y aller.

Debout devant sa salle de classe, elle papote avec la maitresse… Je la regarde, si belle, pleine de vie et d’énergie. Un mouvement de tête et là voilà qui me voit, elle sort de la salle en courant, me saute dans les bras en criant de joie : « Maman ! »

Exit le relais colis pourri, mes maux ont été supplantés par un seul (mot). Tout est dit!

 

Peps’Mozer (« Aimer, c’est se surpasser »)