Prenons soin d’eux, ils en ont bien besoin!

Quelques mots écrits sur le blog pour décrire la situation inimaginable que nous vivons au quotidien dans les écoles. Je n’ai jamais fait de politique ici. Je ne souhaite pas commencer maintenant. Je ne veux pas polémiquer, pro-vaccins, anti-vaccins, là n’est pas la question ; chacun ses droits, ses choix, ses raisons. Je veux juste de donner mon ressenti de terrain.

Presque 2 ans après le premier confinement qui a totalement bouleversé notre école, je souhaite décrire de façon objective ce que nous sommes amenés à vivre dans les classes. Nous, enseignants, ASEM, AESH…mais surtout les enfants. Ma pratique du métier a été bouleversée par la pandémie. D’abord un confinement long…des activités envoyées à distance, une relation numérique avec mes petits élèves…Et puis une reprise en touts petits groupes d’enfants, avec un protocole strict, une distanciation inhumaine, une interdiction de jouer ensemble, la désinfection de chaque jouet touché…

Tu te doutes que les protocoles qui se sont succédés nous on obligés en permanence à tout réajuster pour rester dans les clous. Plus de brassage de classe, plus d’atelier cuisine, plus de décloisonnement, plus de gâteaux d’anniversaire. Sans compter ce masque qui nous étouffe chaque jour un peu plus, qui nous fait transpirer quand on danse, nous oblige à crier quand on veut lire une histoire, ce masque qu’on porte souvent 10h par jour, et même à l’extérieur. Ce masque qui ne permet même plus aux enfants de te voir sourire ou faire des grimaces. Qui empêche de lire sur les lèvres. Qui interdit aux enfants de connaître  le « vrai » visage de leur maîtresse. Et puis ce masque imposé ensuite  aussi sur le visage de nos enfants, qui ne voient plus non plus le visage de leurs copains. Ces enfants qui suffoquent en jouant au foot, qui doivent même le garder dans la cour de récréation.

Alors on a essayé comme d’habitude de passer au-dessus du stress, d’expliquer les mesures barrière aux enfants en souriant, de les danser, de les chanter. Parce qu’on pensait comme tout le monde que ca allait bien finir par passer…D’ailleurs, on avait promis aux enfants que ça se terminerait un jour.

Alors on a continué de mener nos projets, tout en aérant les classes, on a préparé des activités pour les éveiller tout en leur lavant les mains très régulièrement. On a continué à sourire sous nos masques, à mettre de l’énergie dans le quotidien de nos classes. Certains collègues n’y sont pas arrivé. Certains ont abandonné. Parce que c’est dur de tenir ce rôle. Faire semblant que tout va bien pour eux. Faire de l’école un lieu où les enfants se sentent bien et grandissent en toute sérénité.

On a remplacé les collègues malades, aidé à la cantine, géré des groupes importants…parce que les adultes de l’école sont aussi évidemment touchés…

Oui mais on a voulu maintenir les classes ouvertes coûte que coûte, quel qu’en soit le prix…et celui-ci est à mon avis bien négligé (et très mal estimé).

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Depuis la rentrée de janvier, les enseignants se retrouvent à bord du paquebot COVID, embarqués bien malgré eux dans ce voyage où tout est incertain. Placés en première ligne face à l’épidémie, mais théoriquement, je dis bien THEORIQUEMENT protégés par des protocoles toujours plus enfermants.

Il n’en est rien. Les protocoles sont inapplicables. Ils n’empêchent pas les enseignants, ni les personnels de tomber malades. Je ne te parle même pas des petits. Les cas parmi les enfants se multiplient à une vitesse vertigineuse. Malgré les lavages de mains, les aérations…ma classe de maternelle a fermé une semaine avec plus de la moitié de mes petits élèves contaminés en seulement cinq jours.

J’ai eu envie de pleurer…non j’ai pleuré.

J’ai pleuré devant mon impuissance à arrêter ce truc complètement fou qui a envahi ma classe.

J’ai pleuré devant l’angoisse de mes petits élèves qui montraient des symptômes et dont j’appelais les parents.

J’ai pleuré devant la peur de ceux qui restaient, se demandant qui serait le prochain cas déclaré.

J’ai pleuré dans ma classe vide.

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Ces enfants, ils ont 3, 4ans. A la maison, on leur dit de faire attention. Parce que non il ne faut pas rapporter le virus à la maison, parce que Papa et Maman doivent aller bosser. Et puis faudrait pas le refiler à Mamie..parce qu’on ne sait jamais ce qui pourrait lui arriver, Ces petits bouts, il n’ont que 3, 4 ans, et on leur fait porter sur leur petit dos la pire de responsabilité, la santé de leur famille.

Et pour cela, dès qu’un cas se déclare, on leur fait subir les fameux tests. Certains sont terrorisés, les autres s’habituent plus ou moins. Et on attend le résultat avec appréhension parce que tu sais maîtresse, si les deux barres s’affichent, bah…t’es positif. Et tu sais que ca va être la galère!

Je n’ai pas peur des mots, je pense à ces petits bouts que l’on sacrifie pour notre économie. Qui a pensé à eux? A ce qu’ils ressentent? A ce qu’ils subissent? Qui a pensé qu’ils angoissent, culpabilisent à chaque résultat de test?

Je ne me plains pas. Je comprends bien qu’il faut s’adapter. Et puis d’ailleurs, j’ai fait mon boulot, comme d’habitude depuis les début de la crise. Je ne repousserai jamais un enfant qui a de la fièvre ou qui tousse. Même au coeur du cluster qu’est devenue ma classe, j’ai continué à moucher, câliner, rassurer. Parce que ça fait partie de mon job, et de ma personnalité. Ce mois de janvier a été interminable et de loin le plus difficile depuis le début de la pandémie.

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Je voudrais juste qu’on s’intéresse un peu à eux.

Qu’on prennent en compte leurs ressentis, leurs émotions.

Qu’on leur dise qu’on pense à eux bien fort et qu’on est là.

Que leurs parents prennent soin d’eux.

Qu’ils soient considérées comme de « vraies » petites personnes, et non comme une quantité négligeable.

Parce qu’il en ont besoin.

Parce qu’ils entendent les informations, ressentent les angoisses.

Parce qu’ils méritent de voir plus de sourires que de masques.

Parce qu’ils doivent avoir plus de rêves que de cauchemars.

Parce que ce sont les adultes de demain qui se construisent.

Parce qu’on doit les accompagner pour qu’ils apprennent et grandissent sereinement.

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Dans l’état actuel des choses. Ce n’est juste pas possible.

Je voudrais juste retrouver mon métier. Celui que j’aimais tant avant ces restrictions. Retrouver l’insouciance et la naïveté de mes élèves. Pouvoir leur sourire. Je me contente de gérer comme je peux ; en mettant de mots, en étant présente et attentive à leur bien être. Je rêve de leur offrir un vrai sourire, de partager un goûter, de les autoriser à jouer avec les copains des autres classes. Ça n’a pas l’air de grand chose, et pourtant pour l’instant, ça nous est interdit. Alors hâte que tout cela s’arrête. Et vite, que nous redevenions libres.

Désolée pour ce grand pavé qui vient après des semaines difficiles. Merci à ceux qui ont lu jusqu’au bout. Désolée pour ceux que ce billet dérangera. Il s’agit de mon ressenti, et d’une grosse colère envers ceux qui décident dans leur bureau parisien sans rien connaître du terrain. Je serais peut être cataloguée comme une prof qui râle…mais si tu as un enfant en maternelle ou primaire, je t’encourage juste à prendre soin de lui, à être à l’écoute.

Je termine cet article après avoir mené une discussion avec mes élèves. Leurs propos sont intenses, poignants, vrais et d’une incroyable maturité. J’ai été très touchée par leurs mots.

D’ailleurs n’hésite pas à me dire en commentaire comment toi tu vis la situation en tant que parent ou si tu travailles au contact des enfants?

Photos (qui n’ont aucun rapport) prises dans la classe parce que la vie continue quand même et que je continue à être à 200% à l’école…et parce que je trouvais ces ours et ces bonhommes de neige beaucoup trop mignons!