Le livre d’adulte

Comme tant de soirs.
Pleine de fatigue, la tête douloureuse, je suis allée jeter un œil dans ta chambre.
Ton chevet était allumé.
Tu étais calme et tu lisais un livre.
Je me suis approchée et j’ai remarqué que ta lecture était particulière.
Tu analysais, disséquais presque, des pages fines aux tout petits mots.
Tu avais demandé un livre de la grande bibliothèque.
« Un livre d’adulte » comme tu as dit.
Un livre sans images, avec uniquement des mots.
Tu tentais d’en déchiffrer quelque uns et cela m’a touchée en plein coeur.
Tu as reconnu des prénoms, des pronoms et des petits mots.
Tu t’es intéressé aux quelques phrases que j’ai lues, et tu t’es amusé de voir que l’un des personnages portait le nom de ton amie.
Je t’ai demandé pourquoi tu avais voulu lire ce livre sans image.

« Parce que je voulais savoir comment c’était fait »

Un poids lourd s’est abattu sous mes épaules.
Je me suis sentie bête.
Incroyablement bête.
Ma fatigue, mon mal de crâne, ma mauvaise humeur et mes cris se sont retrouvés face à toi, petit cinq ans, vif et tellement curieux.
Ton intelligence m’a ravivée.
J’ai tant de mal à trouver les mots justes pour décrire la beauté de ton petit être, à ce moment précis.
Appliqué et curieux, tu voulais comprendre l’écriture.
L’émotion que j’ai ressentie ne m’a pas quittée de la soirée.
J’ai oublié ma mauvaise humeur.

Tu m’as tendu le livre et tu m’as souhaité bonne nuit.
J’ai regardé tes traits et ton air amusé de me voir te scruter.
Tu as grandi, tellement et si joliment.
J’ai oublié pourquoi j’étais fatiguée.
Tu m’as demandé si on relirait un livre comme celui-ci demain.

En sortant de ta chambre, j’étais comme déboussolée.
Sonnée par la force de tes réflexions.
Tes cinq ans de vie m’ont fait du bien ce soir.
J’ai un peu grandi et beaucoup appris.

Je t’ai regardé encore une fois,
Tu te lovais sous ta couette en serrant ton petit chat violet.