En apnée

Samedi quatorze novembre au matin je suis descendue dans la rue.
Comme tous les jours je suis partie travailler.
J’ai mes habitudes, je passe devant plusieurs bars et j’aime regarder les terrasses et écouter les différentes langues, j’imagine d’où viennent les touristes.
Ce matin là, j’ai embrassé mes enfants en leur souhaitant une bonne journée avec cette angoisse irréelle que je ne reviendrais peut-être jamais.
J’ai mis le nez dehors.
Le vent, la lumière et le silence m’ont glacée.
Il n’y avait aucune conversation a écouter.
Je suis passée devant les terrasses qui étaient vides, les magasins avaient baissés leurs stores et je me suis demandé comment faire pour ne pas avoir peur.
J’ai sacrément la trouille oui.
À ceux qui me disent qu’il ne faut pas avoir peur je vous défie de ne rien ressentir un lendemain d’attentat dans le métro.
Ce métro était désert et silencieux, cette sensation est indescriptible.
J’étais seule sur le quai ce samedi matin à onze heures.
J’ai pris le métro, j’ai travaillé à la boutique.
En apnée.
J’ai l’impression d’avoir retenu mon souffle jusqu’à quatorze heures.
Heure où un arrêté préfectoral a demandé la fermeture Des magasins Parisiens.
Rentrer vite.
Je me suis engouffrer dans la chaleur du métro.
Il était toujours désert, les quelques personnes présentes dans le wagon lançaient de petits regards timides.
J’ai pensé aux victimes et à leur famille, j’ai pensé aux conducteurs des transports en commun.
J’ai pensé aux médecins.
J’ai pensé à mes enfants.
Sans arrêt.
Puis, l’éternel appel du métro demandant d’être vigilants, les rues vides, les terrasses vides, les boutiques fermées et la maison.
J’ai fermé la porte d’entrée et j’ai respiré.
Enfin.
J’ai câliné mes enfants et j’ai essayé de me persuader de vivre un cauchemar.
J’espère que la vie reprendra vite à Paris.
Chaque soir je me couche avec ce silence inquiétant venant de la rue.
J’ai souvent pesté contre les accordéons et le bruit des terrasses, mais ce bruit c’est la vie.
Sans lui je ne trouve pas le sommeil.
J’ai hate de réentendre les verres trinquer, les rires forts de fin de soirées et les accordéons mal accordés.